Grems, le José Bové du rap

Grande gueule protestataire, Grems (a.k.a Supermicro) fauche les absurdités et la bêtise comme Bové les champs d’OGM. Pourfendeur de la malbouffe musicale et du reste, Michaël Eveno – de son vrai nom – prend son pied à bousiller les mauvaises pousses. Un gars gonflé à bloc, la moustache en moins.

Grems, c’est quelqu’un qui aime le bon. Le sain, le son. Pas question alors faire ce qu’il aime sans décrier ce qu’il déteste. Les deux vont de pair. Sans surprise, le rappeur enfile le blouson de cuir du rebelle, le brassard du contestataire, le majeur de rigueur chez le provocateur.

2004, Algèbre. L’histoire Grems démarre fort. Parmi les nombreuses victimes de son flow corrosif, le rap commercial, façon Skyrock. Parce que c’est un peu comme le Mc Do pour Bové. C’est mauvais. Ignifugé par les critiques, qui jugeront bien souvent sa musique vulgaire et creuse, Grems se donne pour mission de cultiver un terrain trop peu défriché : celui d’un rap sans pesticides.

En écoutant les productions du rappeur, on comprend donc qu’il s’agira à la fois de brut, et de dentelle. Finement ciselé à l’électro, à la house ou au break-beat, le rap de Grems se démarque de hip-hop formaté, y confère une dimension cérébrale et élaborée, compensée par l’impulsivité et l’agressivité de paroles politiquement incorrectes.

Mais pas question de dire que Grems fait dans l’électro française. Peut-être est-ce le produit de son esprit contestataire, mais l’électro française telle qu’on la plébiscite, c’est clairement pas pour lui. À l’en croire, « une musique de tarlouzes hyper froide »,1 qui ne correspond pas à ses idéaux. Lui ne jure donc que par la house de Chicago et la techno de Détroit, aux sonorités aussi chaudes que son sang. « De la vraie musique de PD », assure-t-il.

Réinventer. Prolifique (il sort en moyenne un album par an), Grems, pour ne pas s’ennuyer, ne cesse d’innover. Seul, ou en groupe. Comme Bové et ses « Faucheurs Volontaires », il s’entoure alors de personnages à la langue aussi bien pendue que la sienne.Et nombreux sont ceux qui se rallient à sa cause.

Pour prouver que sa conception de la musique vaut mieux que toutes les autres, il crée son propre label, Deephop Panel (2005), destiné à promouvoir un rap mâtiné d’électro, et sur lequel il sortira Airmax (2006) et Sea, sex and Grems (2009). La même année, il crée le groupe Rouge à lèvres, avec KillerSounds et 4Romain. L’album qui en découle, Maquille-toi, est le premier d’un nouveau genre : le deepkho (prononcer ‘dipro’). Un mélange de rap et de deephouse, proche de la hip-house. Et ça marche. Les rappeurs habitués aux exigences mainstream adhèrent. Dès le deuxième album de Rouge à Lèvres (Démaquille-toi, 2008), Disiz La Peste, entre autres, vient grossir les rangs.

Premier coup d’essai qui devient coup d’éclat. Alors Grems ne s’arrête pas en si bon chemin. Son quatrième album solo, Brokabilly (2010), regorge de cohabitations musicales surprenantes. Au rap et au broken beat du broka, se juxtaposent techno, noise, dubstep et deephouse. Le rappeur vient de créer le broka.

Comme si cela ne suffisait pas, Grems, dont l’énergie semble inépuisable, décide de marquer les esprits une fois de plus. En 2011, il appelle les meilleurs rappeurs alternatifs à le rejoindre dans son arche de Noé. Invite les générations et les styles à se côtoyer pour créer un pôle d’excellence du rap français ouvert aux talents et à l’humour. Ce Jamel Comedy Club répond au nom de la Fronce.

Depuis, il continue à faire vibrer la scène rap et à faire crisser les oreilles non averties. Le tout, avec un seul mot d’ordre, qu’on lui laissera pour clore cette rubrique :

 1 « Grems, l’inclassable », Abcdrduson, le webzine rap, décembre 2011.

Pour les gourmands, quelques autres pistes de lecture et d’écoute :

* Tekitek… petit-fils d’Obélix !!

* Flying Lotus, la fine fleur du hip-hop alternatif

* Le Big-Beat, cadence éternelle

* Quand le Glitch-Hop déflore le rap !

* Émission spéciale Hip-Hop, le podcast

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Une réflexion sur “Grems, le José Bové du rap

  1. […] rapidement. Il s’est ramifié, jusqu’à donner le grime (genre parmi lequel figure Grems et son flow rapide), la jungle, plus hardcore encore, ou encore le dubstep, notamment au […]

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